Wednesday 1 October 2008

Occidentaux et Maghrébins: deux cultures, deux richesses... complémentaires

Ce qui aujourd’hui nous paraît évident et universel n’est en réalité qu’une construction culturelle du monde parmi d’autres. Pour mieux se connaître, rien de tel que de partir à la découverte de son voisin. Je vous propose un voyage entre deux univers: francophone d’une part, maghrébin de l’autre.


La Belgique est un pays multiculturel, où nous sommes amenés à côtoyer des gens de tout bord et d’un peu toutes les nationalités. Nous vivons les uns à côté des autres, mais sans jamais nous préoccuper de cet espace commun propice à la rencontre de l’Autre... Peut-être parce que justement nous n’avons pas tous la même perception de l’espace: terre de rencontre pour les uns, recherche de libertés individuelles pour les autres. De fait, si les Maghrébins considèrent la maison ou la rue comme un lieu de réunion, l’Occidental aura plutôt tendance à vouloir y exercer son autonomie et sa liberté – voire son individualisme. Ce n’est pas si étonnant lorsqu’on sait que nous vivons dans un monde où prime l’individu. Contrairement à la culture maghrébine, où le groupe passe avant tout. Ces traits culturels se retrouvent dans l’organisation de l’espace citadin.

La ville, reflet de la société

Même si aujourd’hui les différences ont tendance à s’atténuer, les structures des villes occidentales et arabes ne sont pas les mêmes. C’est peut-être le plus désarçonnant pour les immigrés arrivant chez nous.

Aujourd’hui, la ville européenne ne gravite plus autour d’un seul centre: les magasins sont souvent situés dans des zones commerçantes ainsi que les écoles et certains quartiers résidentiels. Quant à la ville arabe, elle nous apparaît souvent comme un labyrinthe à travers lequel il est difficile de ne pas se perdre! Mais ce désordre apparent (à nos yeux d’Occidentaux) n’est en réalité que superficiel.

«L’une, l’européenne, haute, impérieuse, élégante avec ses banques, ses beaux magasins, ses administrations, ses voies à lampadaires, larges, droites, ouvertes à une circulation automobile ininterrompue, et l’autre, l’africaine et arabe, tapie à ras de terre, labyrinthique, respirant le secret malgré le pullulement obstiné de ses foules [...].»(M. DIB, Dieu en barbarie, Paris, Le Seuil, 1970, p.73)

Lorsque l’on sait tout ça, il est plus facile de comprendre pourquoi les immigrés de 1re ou 2e génération* se regroupent dans certains quartiers. Ils tentent de recréer un espace connu, un monde à eux, où ils peuvent profiter des services de groupe tels que les commerces, partager une même culture, parler une même langue – celle du Paradis perdu – en oubliant, l’espace de quelques heures, les difficultés d’apprentissage d’une langue étrangère et hostile: le
français.

La langue française, ennemie n°1 des allophones

L’arabe est très différent du français, ce qui engendre de nombreuses difficultés pour les jeunes issus de l’immigration, dont la langue maternelle n’est pas celle enseignée à l’école. Tout d’abord, l’arabe fonctionne sur la base de racines trilitères, c’est-à-dire trois consonnes qui expriment un concept fondamental et que l’on module ensuite en fonction de ce que l’on désire exprimer. Par exemple: [KTB] signifie «l’idée d’écriture»; [KATABA], «il a écrit»; et [KITAB], c’est «le livre». De même, l’apprentissage de la conjugaison est toujours une rude épreuve, car la perception du temps en Belgique et au Maghreb est fondamentalement différente. Le choix des temps dans les deux langues n’a donc rien en commun. Le critère le plus important pour l’arabe est le degré de certitude dans l’accomplissement de l’action. On oppose donc deux aspects: l’accompli et l’inaccompli. En français, si l’aspect (achevé ou inachevé) joue un rôle dans le choix des temps, la situation chronologique (passé, présent, futur) et la position du locuteur sont également des paramètres à prendre en compte. Le temps serait-il si différent d’un pays à l’autre?

SYLVIE WUYTS


* Les émigrés de 1re génération sont ceux qui ne sont pas nés dans le pays d’accueil mais dans leur pays d’origine, contrairement aux immigrés de 2e génération, nés dans le pays d’accueil (la Belgique par exemple).

Quelques différences entre le français et l’arabe

En arabe, il n’existe que trois voyelles ([A]; [I]; [OU]), mais elles peuvent chacune être longue ou brève. Par exemple: «jamal», c’est «le chameau»; mais «jamaal» signifie «la beauté».

Les sons [é], [è] ou [e] ne se différencient pas. Il est donc très difficile pour les arabophones de saisir la différence à l’oral entre «j’ai mangé» ou «je mangeais» par exemple.

Les nasales [en], [un], [in], [on] n’existent pas. Les arabophones vont donc avoir tendance à prononcer le [n].

La proposition relative et la proposition infinitive n’existent pas en arabe.

L’adjectif possessif n’existe pas. Par contre, on utilise en arabe un suffixe placé à la fin du nom pour exprimer l’appartenance. Par exemple, «darak» (à toi) signifie «ta maison».

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